Entretien réalisé par Karima Dehiles
L’entame de la campagne de vaccination contre la Covid-19 en Algérie est programmée pour la fin du mois en cours, selon le ministre de la Santé, le Pr Abderahmane Benbouzid. Le président de la République avait, auparavant, instruit le Premier ministre de réunir les membres du Comité scientifique aux fins de sélectionner le vaccin à acquérir afin de commencer la vaccination au plus tard en janvier 2021. Au final, le Conseil scientifique a opté, en premier, pour le vaccin russe Sputnik V et des négociations sont en cours pour s’approvisionner en un deuxième vaccin, le chinois Sinopharm. Pour en savoir davantage sur le choix de l’Algérie, le Dr Youcef Boudjelal, chercheur spécialiste en microbiologie et génomique microbienne, a apporté un éclairage.
Que pensez-vous du choix porté sur les vaccins russe et chinois ?
Il ne faut pas douter de ce choix. Les gouvernements russe et chinois ont utilisé leurs produits respectifs pour mener la campagne de vaccination. Ce fut l’une des conditions émises par l’Algérie. Des interrogations se posent sur l’efficacité de Sputnik V en l’absence de publications scientifiques sur les différentes étapes de son développement et les détails concernant les essais cliniques et le nombre de volontaires qui y ont participé. Par contre, les chercheurs chinois, eux, ont fait partager des documents bien fournis et précis sur les trois phases, et une large population dans plusieurs pays a été soumise aux premiers tests. De mon point de vue, Sinopharm est un meilleur choix en prenant en considération également les prix, qui est de 3 dollars la dose. C’est vraiment accessible pour l’Algérie et d’autres pays. D’ailleurs, le ministre chinois des Affaires étrangères s’est rendu dans des pays africains afin de les convaincre du bon choix de leur produit. En somme, il n’y a aucune raison d’en douter.
Pour réussir la vaccination et atteindre les régions lointaines du territoire national, Sputnik V et Sinopharm sont les plus appropriés vu les faibles moyens techniques et logistiques de notre pays. Un commentaire…
Pour mettre le plus de chance de notre côté et réussir la campagne de vaccination, il est question de mettre à profit et d’activer le système national vaccinal qui est déjà bien rodé. Des centres de santé de proximité existent presque dans chaque localité pour accueillir les populations. Sputnik V et Sinopharm sont développés avec des méthodes traditionnelles et leur stockage n’exige pas de gros moyens de refroidissement comme celui de Pfizer BioNtech qui est à garder à moins 70 degrés. Ils sont transportables dans de simples glacières ou placés dans des frigidaires classiques, comme ceux que nous utilisons au quotidien. Cela pèse beaucoup sur le succès de la vaccination et l’objectif d’atteindre 50% de la population mais également évite d’autres dépenses.
La possibilité de fabriquer localement le vaccin russe a été évoquée par les autorités algériennes et russes. Qu’en pensez-vous ?
Le transfert de technologie est intéressant pour notre pays pour arriver à un taux supérieur d’autosuffisance en matière de vaccins et même aller vers l’exportation, notamment pour les pays africains. La Russie est un partenaire traditionnel de l’Algérie et une coopération dans le secteur pharmaceutique serait bénéfique pour les deux parties. Actuellement, l’acquisition directe est possible mais plus tard, une production locale serait une valeur ajoutée à l’économie nationale.
Une campagne est menée par des médias occidentaux contre les deux vaccins. A quelles fins ?
Nous n’allons pas nous impliquer dans la guerre froide, qui apparemment est toujours d’actualité entre, d’un côté, la Russie et la Chine et, de l’autre, les pays occidentaux. L’urgence pour nous est d’acquérir un vaccin conforme et lancer la campagne de vaccination le plus rapidement possible. Il est clair que c’est une guerre commerciale au premier rang. Par contre, il est certain que les deux vaccins ne seront mis à disposition qu’après leur validation par l’Institut Pasteur d’Algérie, l’Agence nationale du médicament, mais également par nos spécialistes. C’est plus qu’une évidence.
Certains de nos compatriotes expriment leur refus d’être vaccinés. Quel message vous leur adressez en tant que médecin ?
La vaccination constitue un outil pour endiguer la pandémie et revenir à la normale. Pour convaincre les personnes réticentes, des campagnes de sensibilisation et d’information sont à entreprendre. Le vaccin préviendra assurément les formes graves de la Covid-19 chez les individus vulnérables ou atteintes de comorbidités.
K. D.